L'institut de conservation britannique ICON vient d'organiser à Londres, du 8 au 11 avril 2015, un colloque international intitulé « Adapt and Evolve : East Asian Material and Techniques in Western Conservation ». Ce fut l'occasion d'aborder aussi bien des questions scientifiques, qu'une réflexion sur le développement et l'adaptation des matériaux et des techniques asiatiques, venant de Corée, de Chine mais surtout du Japon, à la conservation restauration des œuvres d'art.
Durant ces quatre jours, j'ai ainsi eu l'opportunité de participer à des conférences, des workshops mais également de discuter avec d'autres spécialistes de la conservation et de la restauration venant d'Asie, d'Amérique ou d'Europe. Ces échanges m'ont permis de comparer nos pratiques, nos problématiques et les moyens que nous mettons en œuvre pour les résoudre.
Parmi les différents sujets abordés durant ce colloque, le professeur Masato Kato de l'Institut des Propriétés Culturelles de Tokyo (TNRICP ou Tobunken) et Takayuki Kimishima ont proposé une intervention très intéressante sur le panneau de séchage traditionnel japonais, appelé karibari. L'utilisation du karibari, permet un séchage sous tension en utilisant les propriétés d'extension et de contraction que possèdent les matériaux utilisés dans le montage, soit le papier et la soie.
La durée de la mise sous tension varie selon les ateliers, même si tous s'accordent pour dire que plus le temps de séchage est long, plus les différents éléments composant la monture se stabiliseront.
Il est généralement admis qu'autrefois la peinture une fois montée était laissée à sécher une année environ afin que l'œuvre expérimente différents climats et degrés d'hygrométrie, lui permettant par la suite de mieux résister au temps.
En 2004, dans ma thèse de Doctorat intitulée « L'art du montage – Etude des matériaux et des techniques employés dans le montage traditionnel des rouleaux verticaux japonais », je m'interrogeais déjà sur la possibilité de maintenir une durée de séchage aussi longue dans un contexte où les impératifs économiques prévalent souvent, réduisant parfois les temps de séchage de manière considérable. Mais surtout, je m'interrogeais sur la nécessité, aujourd'hui, de cette longue phase de séchage, dans des ateliers où l'environnement climatique est surveillé et contrôlé. En effet, il est difficile de dire que le rouleau vertical sera soumis à différentes phases de contraction et d'extension dans un milieu où la température et l'hygrométrie sont sensiblement constantes.
Cette réflexion a été approfondie par Masato Kato et Takayuki Kimishima dans leur communication. Ils ont réalisé une étude scientifique dans le cadre du Tobunken en effectuant des tests afin de comparer, sur une même durée, la différence qu'entraîne un séchage en milieu climatique stable par rapport à un séchage traditionnel soumis à des variations climatiques.
Ainsi, les tests scientifiques de cette étude ont démontré que, comme je l'avais à l'époque pressenti, un séchage sous tension en milieu climatique non contrôlé donne de meilleurs résultats, à la condition qu'il n'y ait pas de variation climatique trop brusque.
L'usage des matériaux et des techniques traditionnelles dans la conservation et la restauration des peintures japonaises est parfois remis en question par l'avancée des connaissances scientifiques. Il s'avère que les tests comparatifs effectués permettent également de conforter et de justifier leur emploi.
Pour plus de renseignements :
- The Institute of Conservation – ICON
- Adapt & Evolve : Conference 2015
- Institut des Propriété Culturelles de Tokyo (TNRICP ou Tobunken)